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Paisani in anda pà a fiera di u Niolu. LC Canniccioni v 1910

17/04/18

Morfina (1)

Lejean, à se stessu :
"Je ne crois pas que le parc de la Tête d'Or ait jamais existé pour lui. Aussi loin que remontait sa mémoire, il ne trouvait trace de ce nom dans sa vie (ou de ce qu'il lui en restait).
Pourtant, il se souvenait y avoir recueilli les tendres larmes d'une enfant blonde, avant qu'elles n'atteignissent le sol blanc, sablonneux et sec, de ce lieu inondé de soleil. C'était en août, en septembre, en octobre ou plus tard... Peu importe! Il était près de deux heures moins le quart de cet après-midi là.
Le destin lui était là brûlant, à l'affût, au rendez-vous donné, prêt à tendre ses plus sombres tentures, ses pommes et ses pics.
Elle lui avait dit pleurer de se retrouver si seule, isolée, si loin de sa maison. Comment pouvait-il savoir ? Peut-être pleurait-elle, en fait, par pressentiment, du sale tour qu'allaient prendre les choses ? 
Et pourquoi le sérieux devait-il s'imposer à elle, si vite, à elle, si jeune? Et pourquoi Elle justement ? Ne me dites pas qu'elle s'était, ce jour là, abonnée au malheur en franchissant les grilles de ce parc !?... Non, de grâce, et de quel parc me parle-t-on ?  N'avait-elle pas, cette enfant, devant elle des heures immenses d'insouciance écrites par son destin ? Non, "on" l'avait abonnée au tragique et il fallait qu'elle le vive, s'y installe et s'y perde et puis l'épouse.
Le décor était planté avec ses accessoires aussi: il était fait de gares, de trains, de voitures, de trucs et de mille autres choses... Rien ne manquait à l'affaire, et ses acteurs aussi : au teint clair, au teint mat, une vielle sorcière, elle aussi au teint mat, se délectait déjà... et veillait au futur en tendant à l'enfant une main à la fois salvatrice et traîtresse.
Bientôt minuit, une cloche sonne: deux fois deux coups et puis douze, une étoile, pauvre petite...
"Viens, mon enfant, ce n'est rien, ça va bien se passer..."
"Et vous, connaissez-vous seulement les faïences de Moustiers? Non bien sûr !... pfff... "Pffff... le Maroc, pfff... la Corse... pfff..."
Son corps se dodelinait, sec, sa peau noirâtre absorbait la lumière, ses cheveux mal dressés sur sa tête, et ses pffff dédaigneux et sifflants, imprimaient le tempo d'un mas perdu dans la campagne de V. "
Tandu eiu, (eru solu cun eddu) à chjamaddu: "Lieutenant, lieutenant !!!"
Sudava. A rusata di baddioli s'aviva trapanatu a mittà dritta di u ciarbeddu di u tintu Lejean. Frascicatu.
Li vinivani paroddi, una apressu l'altra, quant'eddu ci fussi statu qualchi mascina prugramata automaticata (sic) scundizata, tonta e mata. Era sempri eddu ma un era più eddu !
U colpu, sapeti...
Chjamedi l'infirmiera ch'edda venghi ad aiutami à calmaddu. Cù tinerezza, li deti una sciringa, bedda impiuta, à morfina salvatrici. Povaru tinenti e povari à noi. M'arristava à vultà à lu meiu, u destinu. Sarà ciò chi sarà o Sarrà.



12/04/18

Ô

Erani tempi à disfà mondi. Ed erami povari  in canna, rimandati à un dumani ancu peghju cà oghji ed un doppu dumani peghju cà u ghjornu doppu e tocca e tira à fila di fila...
Puzzavani ssi ribulioni rei, tristi e neri, di morti, puzzavani !

L'Omi di l'Aisne di u 18

Rapport d'opérations du 171e R.I pour la période du 29 mars au 6 avril 1918*

(Un aghju dettu nudda, chi m'impidiscivani, chi era pruibitu, ma oghji poccu m'importa à mè ch'emi persu tantu e u me amicu Lejean ch'aghju purtatu mezu mortu à u spidali... E un vi digu nudda di tutti l'amichi persi. O lu tazzu maiò ch'emi vissutu noi... Da Saint Diè à ghjugna cuì à "aider nos camarades car nos lignes de la Somme et de l'Aisne cèdent..." Cusì aviva dettu à Lejean.)

a) Le 171e R.I était dans les Vosges (...) L'embarquement commença dans la nuit du 26 au 27 mars et le débarquement dans la nuit du 28 au 29 à Breteuil-Embranchement à l'ouest de Montdidier (...) 
Deux compagnies du 2e Btn (Cdt O'Byrne), enfin débarquées à Gannes, arrivaient à Chirmont pour cantonner.
La 2e Cie ( Lieutenant Lejean, a meia diciaraghju)  face au SE en travers de la route Sauvilliers-Aubvillers (...)
Au petit jour, le 30 mars, une ligne presque continue de tranchées encerclait le village depuis la route de Sauvillers-Mailly jusqu'à la route de Sauvillers-Aubvillers.
A 7h15, les Allemands débouchent du Bois situé au N.E de Sauvillers et opèrent une première fois à l'attaque du village, en formation très ouverte : 2 vagues de tirailleurs, à une dizaine de pas d'intervalle, et à une centaine de pas de distance. Nos mitrailleuses et nos F.M fauchent l'attaque, dont les débris refluent dans le bois.
A 9h20, nouvelle attaque sur Sauvilliers, beaucoup plus dense que la première et accompagnée de plus violentes rafales de 105 et 150 (...) l'attaque est fauchée par nos mitrailleuses et une auto-canon (...) 
La 2e Cie est établie en soutien à l'ouest de Sauvillers, à cheval sur la route de Thory (...)
Pertes 3 officiers et 26 hommes tués ou blessés.
13h40, les Allemands continuent de s'infiltrer.
A 16 heures le Lt Maitrot rend compte que les allemands progressent (...) À ce moment, l'attaque d'infanterie ennemie se déclenche, plus dense plus profonde encore (...) C'est bientôt du corps à corps.
Les pertes à Sauvillers se décomposent comme il suit:
1e Btn :
- 7 officiers tués, blessés ou disparus sur 15 présents,
- troupe 333 tués, blessés ou disparus
- 8 mitrailleuses, 1 voit. d'outils et 1 caisson à munitions.
2e Btn  :
- 59 tués, blessés ou disparus, dont 1 aspirant (Lejean) et 5 sous-officiers.
Canon de 37 :
16 tués, blessés ou disparus sur 18 hommes toujours présents et les 3 pièces perdues.

Les observations recueillies (...) sont les suivantes:
Les Allemands portaient une tenue bleu horizon, avec équipement et sac à la française.
A chaque attaque, les premières vagues ont affronté les feux de la défense avec beaucoup de courage (...) Les blessés de la première attaques furent relevés et pansés  séance tenante, malgré nos feux (...) Les bonds successifs des attaques étaient signalés à l'artillerie et aux mitrailleuses ennemies par des fusées blanches tirées de la première vague d'assaut; l'ennemi assurait ses liaisons à l'aide de cavaliers, avec postes de relais.

Vers 21h30 la situation était la suivante:

Au 2e Btn : toutes les unités étaient en ligne sur les positions aux lisières Est des Bois Fermé et de Mongival.
Plus rien en avant, rien à droite et rien à gauche (...)
L'intégrité de la ligne était rétablie sans difficultés, ayant été rompue sans nécessité. La nuit avait été particulièrement calme.

E ch'hani da pò dì tutti i capazzoni, cù li sò pratenziunutu, di ciò che noi avemi presu quiddu ghjornu assignalatu e maladettu di stu 30 di marzu di u 18 ? Un avarani mancu a vargogna ? Mancu à didda, pinseti !
Quiddi chi sò morti à Thory e Sauvillers erani Omi. Eddi, i chjamarani "eroi", e cusì sarà fattu da tutti. Ci farani ancu creda ch'eddi avivani fattu à scelta di murassini on quiddi locchi !
Creda, ùn ci credeti micca, chi sò Omi, omi di carri e di sangui, cù a sò vita, cù li so storii, cù li sò peni di cori e cù li sò gioii di cori, chi si ni sò morti culà. Iè erani Omi, micca eroi. Ed è cusi ch'eddi sò morti, povari à eddi, povari à noi.


IGEOPORTAIL.GOUV

*JMO, op cité.

06/04/18

Unità immaginaria

Studiava a matematica cù Lejean. U trenu, eddu, trinicava.

"Même les chiffres peuvent être complexes, voyez-vous adjudant.
Savez-vous comment le carré d'un chiffre peut donner un résultat négatif ?
Écrivez !
i fois i égale -1
Sachez qu'il n'existe pas de solution réelle à cette équation.
C'est un peu comme si l'on voulait écrire l'équation de l'espoir en amour. 
Pour résoudre cette équation il nous faut définir une valeur appelée "unité imaginaire pure" qui jouit de la propriété suivante: 
(i x i) = -1
Ainsi, adjudant, le chiffre complexe z, pour exister, doit être formé de deux parties: une réelle et une imaginaire,  d'écriture algébrique: a + ib = z a et b  sont la partie réelle de et i sa partie imagiaire.
Ainsi, pour être réel, un nombre complexe doit-il avoir sa partie imaginaire nulle. C'est dommage et logique, n'est-ce pas adjudant?"
Ch'avivu da dì ?


La nascita di Venere
Cabanel (ditagliu)


火垂るの墓*

À Isao Takahata

A tarra era vinuta sipolcru.
L'arburi intrastracciati s'erani mutati, eddi, in croci apprussimativi.
L'omi stanchi ch'arristavani, si faccivani priteddi scunsulati par quiddi ch'erani ghjunti ad essa colti.
A polvara era turrata cenara, a cenara s'era fatta tarra pistata, e arba, micca!
U firmamenti pigniva ed i steddi stracciati erani divintati lacrimi di focu chi strappavani i celi, bavacciuloni, di sta tarra. Falavani ssi steddi spezziati, à riboccu pittinati.
I varmiceddi tecchji à carri s'erani fatti rè di stu mondu. U mondu era oramai un mondu di focu vivu. Erami troscitecchji à sangui.
A vita un valiva più nudda.
E noi altri à mezu.



*U sipolcru di i lacrimi di l'accialeddi di focu.

02/04/18

Muvimenti (5)

Oppressi, a divisioni cumbasgiava guasgi cù a fruntiera di a Germania. Oramai sta guerra detta di i fruntieri era divintata una guerra di muvimenti:
U 15 sbarchedimi (eiu, cù Lejean, Junot, Sulvestru Perronton cù l'anima di Céline de Thyzet in cori... Linard era statu, eddu, mandatu à u spidali, puvarettu) in Corciaux*, i 16 e 17 erami in Maudray. U 24, corci à noi, torra à Corciaux (chi è un beddu paesi). U lindumani ci truvedimi, pò, à l'uvestu di Monidier. Da u 29 ad oghji, erami in cantunnamentu à u Violu.
I bumbardamenti nostri tumbedini 3 ufficiali e 26 omi di truppa, tombi o fritti...
Una guerra di muvimenti... muvimenti da a tarra à u celi, sì :

"O Maria del caro figlio
Chi la morte addomandò?
O Maria Gesù già morto
Chi nel grembo ti posò?

O Maria presso la tomba
Di Gesù chi ti piagò?
O Maria con tante pene
Chi ti oppresse, chi ti oppresse e straziò?"


*da u JMO op. cité.

01/04/18

À C. (23)

L'arcu di li tò occhji s'avvinghji lu me cori
Chjerchju di danzi e cherchju di dulcezza
Curona di u tempu, arca notturna e fida
E s'eiu mi sminticu ciò ch'aghju vissutu innanzu,
È parchi l'occhji toi un m'hani vistu tandu.

Casci di u ghjornu e spuma di u murzu
Canni da u ventu e risi imbalsamati,
Ali che coprani tuttu un mondu di luci
Bateddi carchi à celi, bateddi carchi à mari,
Cacciatori di rumori e fonti di i culori.

Prufumi spannati d'una cova d'albori
Posti nantu a paglia d'i steddi di chjarori,
E postu che dipendi, u lumi, da l'innucenza
Dipendi u mondu interu da li to occhji puri*
E corri lu me sangui in agni di li tò sguardi.

*Le monde entier dépend de tes yeux purs.

Paul Eluard, Capitale de la douleur, 1926

Ch.E Perugiani (ditagliu)