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Paisani in anda pà a fiera di u Niolu. LC Canniccioni v 1910

30/01/18

Sylvestre

"Il y avait avec nous un fier jeune homme, il avait 23 ans. Lui aussi venait de la montagne. Il creuse et sculpte le bois. Regardez capitaine, ma canne, celle qui donne les assauts, vous la connaissez, n'est-ce pas : Sylvestre Perronton !
Il parlait de ces cascades qui, dès novembre, naissent des montagnes, toujours au même endroit et, qui disent, à ceux qui savent, si l'hiver sera rude. Il parlait de ses bêtes rentrées, pour des mois, dans les maisons, en bas. Il parlait des merles philomèles. Il nous parlait aussi du bruissement de la pluie, quand elle mouille la neige, lors des redoux d'hivers.
Mais lui c'était Céline, Céline de Thyzet. Oh, comme ses yeux s'illuminaient quand il nous parlait d'elle.
Il nous parlait aussi de sa vallée de l'Arve. Au début, (lorsque je parlais mal), je croyais qu'il parlait de "la vallée de larmes" (un proverbe de chez nous dit bien : "A vita è un vaddi di lacrimi...").
Ici, l'alboche était  toujours battu par nos conversations de pays et de femmes. Elles avaient toutes, pour chacun, le pouvoir de nous transporter en rêves, loin d'ici.
Heureusement que nous les avions, car nous n'avions que ça !"

28/01/18

Muvimenti (2)

Le C.H.R et le 1e Bataillon font mouvement et gagnent, le 1e Btn, le Fays et Prey où ils stationnent. La C.H.R rejoint le EM (sic) du Régiment et le 3e Bataillon à Lépange.
État Major, 2e Bataillon et 3e Bataillon sans changement.*

*Op. cité

27/01/18

La Samaritaine (2)

Paris, ce 26 janvier 1918

Cher Sarratu,

J'ai tellement de choses à vous dire mais vous devez savoir, avant tout, que, depuis hier, je travaille à la Samaritaine !
J'ai la charge d'une partie d'un rayon qui s'occupe principalement de petites réparations de couture. Nous pouvons aller jusqu'à faire des reprises à un accroc, sur l'instant.  M Brulelliot, notre responsable, est adorable et aidant. Il est ancien combattant de cette sale guerre...
Je suis à moins de dix minutes de marche de la maison. Mais je vous en dirai plus dans quelques jours.
A propos de jours, j'en ai comptés déjà huit, sans aucune nouvelles de vous. Je suis triste,  assaillie de mille questions. Cette année est bizarre. J'incrimine les postes, la météorologie, les trains, les nuages...
Vous devez me répondre.
Dans l'attente, je vous adresse mon expiante pensée.

Votre Marie-Hughette



Muvimenti (1)

Avemi marchjatu a nuttata intera da u fronti à "l'arriera".

La C.H.R* et le 1er Btn quittent Mondrayet se rendent à Yvoux, où ils cantonnent.
Le 2e Btn se rend à Le Roulier où il stationne. L'E.M du Régiment, le 3e Btn se rendent à Lépange et Deycimont où ils stationnent.
       Mouvements effectués sans incident*.

*Compagnie Hors Rang.
** JMO op. cité

24/01/18

Dettu (2)


"Sturzuleghja u lumi di a mimoria di fronti à i piaghi prufondi."*

*Aragon, Le roman inachevé, p 99, Gallimard, 1956.

25 janvier 1918

La relève s'est effectuée sans incident.
Le 2e Bataillon (u meiu) se porte sur Aumontzey et le 3e sur Vienville. Mouvements effectués sans incident.

Pertes néant.*

*JMO op. cité

24 janvier 1918

La relève s'est effectuée sans incident.
Pertes néant*.

*JMO, op. cité.

23 janvier 1918

Sans changement.
Pertes néant*

*JMO op. cité

20/01/18

Tarra ingorda

Sanguinava.
I tanghi pinzuti l'intazzavani i carri, l'intagliavani lu fronti. A minima gucciaredda di lu sò sangui, era una gucciaredda di lu nostru chi si perdiva, in tarra. Agna goccia chi puntava e pò li sgucciulava in fronti, era goccia di lu nostru, u sangui. Agna, agna goccia di li nostri pienti era lacrima di soii, i pienti.
Era Eddu, erami noi, suffarenza. Ma, Eddu, era amori, dinò !

Cristo coronato di spina, (ditagliu)
Beato Angelico
1430-1450
Livorno

Noces de paille

Très chère Marie-Hughette,

Ainsi donc la censure a-t-elle retenu mes mots. Peut-être est-ce mieux ainsi ?
La censure nous lit, nous suit, commente la douleur. La censure nous épie, mais ça, vous le saviez déjà, bref.

Je disais simplement dans ma dernière lettre, combien je tiens encore à vous...  Je vous disais d'autres choses...
Je vous disais, enfin je crois, que nous irons ensemble, un jour, "au Café bleu", tu riras et moi, j'en serai fier..."

Sf

18/01/18

18 janvier 1918

Paris ce 18 janvier 1918,

Mon cher soldat, mon amour immense,

J'ai été confrontée hier a une énigme, après avoir reçu une lettre vide de tout signe et provenant visiblement de vous.
Je me suis dit alors que la censure militaire avait agi et me privait de vos chères paroles.
Sans doute me parliez-vous, en détail, de vos conditions de vie, de vos douleurs, de vos combats ? Comment savoir ? Pouvez-vous me récrire tout cela ? Nous saurons vaincre la censure, n'est-ce pas?
Permettez-moi de vous adresser toute la chaleur de mon amour infini, pour ce que vous êtes, pour ce que vous avez été et pour ce que vous serez. Et tout cela malgré les contraintes qui pèsent tant sur nous.

Ici, la ville a retrouvé son rythme habituel...

17/01/18

Dettu (1)

"Evrything passes" diciva à Zi 'ngannu...

Ban de Laveline (6)

Ban de Laveline, ce 1er janvier 1918

Ma bien chère Marie-Hughette,

Le froid s'est emparé de tout. La glace a même figé l'encre de ma plume. Impossible de former une seule lettre.
Je ne vous écrirai plus.
Je ne dérangerai plus l'ordre que vous vous appliquez à mettre dans votre vie.
Je vous laisse quelque part entre Chatelet, les Gobelins, Port-Royal, les rues de commerces et ailleurs.
Il vous faut avancer et cesser de me lire. Il y a, pour vous, tant de paysages à voir, de vies à inventer, d'univers à explorer, d'eaux chaudes à gouter, de musiques nouvelles à entendre, de réussites à venir...
Je ne suis que désordre, boue et tracas.
Sachons être déloyaux à chacune de nos promesses intimes et si l'un de nous devait leur rester fidèle, alors tant pis pour lui.
Puisse la mort venir et puisse-t-elle avoir votre vrai* prénom.


Je vous aime.

Sf

Lettara muta


*(Le mot est souligné, c'est ici la seule trace vraiment visible de la pointe du stylographe, laissé en creux, sur le papier. Le reste demeure indéchiffrable.)

(NdlA: on dit a Ban de Laveline que la température était descendue à -27°C cette nuit là).

16/01/18

16 janvier 1917

A 3h30 le P.P. 37 (P.A. de 766) 11 Cie est attaqué par une vingtaine d'allemands. Malgré la faible composition du P.P (1 sergent*, 1 caporal et 5 hommes) il résista opiniâtrement.
L'ennemi a procédé par encerclement. Le vent O-E, très violent permit à l'ennemi de s'approcher. Ce ne fut que quand il se trouva à quelques mètres du P.P qu'il fut éventé par les guetteurs.
L'affaire fut menée très violemment et nos renforts n'eurent pas le temps d'arriver. Devant notre résistance, les boches se replièrent en emportant leurs blessés. Le F.M du P.P se mit en batterie et tira dans la direction du repli.
L'ennemi était armé de revolvers et de poignards. Il avait en outre des grenades reliées par trois et faisant par conséquent triple charge. Une mitrailleuse tira sur 766 quelques instants avant et après l'affaire.

                       Tués    Blessés
Pertes          
Officier
Troupe             1            2 (dont le chef de poste*, grièvement)**


*(M'hani dettu cusì: ch'eddu c'era statu stu colpu ch'e vi dicu. Ch'eddi si sò trovi inchjustrati. Hani persu un omu di quiddi di Uceine e cà essa firtu, d'una manera grava, era statu appuntu à Uceine. L'hani purtatu, doppu à l'aritrosa, à u spidali, cù un antru. È ch'eddu era statu brusgiatu à i mani e a faccia da una vampa di focu di fosforu. È cusì chi m'ha dettu à Junot).


** JMO, op cité.

15/01/18

15 janvier 1917

Sans changement.
Pertes: néant.*

*JMO. Op. cité

14 janvier

14 janvier,
Journée calme. Faible activité des patrouilles, par suite du mauvais temps*
Pertes: néant.*

*JMO. Op cité

14/01/18

Bonne année !

Paris, ce 1er janvier 1918

Mon cher soldat,

Que vous dire sinon que votre présence innonde mes sens. Moins vous m'écrivez et plus il me semble recevoir de longues lettres de vous, tant vous occupez chacun de tous mes monologues.
Il y a quelques jours de cela, notre logeuse, nous a amenées, tante et moi à la Samaritaine.
Le magasin, malgré les restrictions, était bondé d'une foule insouciante de la guerre et de ses méfaits, toute à sa frénésie de fêter le nouvel an.
Mme D du B. a vraiment insisté pour que l'on fasse une photographie de moi, sans coiffe et avec son collier et ses boucles d'oreilles. J'ai dû aussi enfiler sa robe. J'ai eu, un moment, l'impression de ressembler à une guirlande. Ne riez pas, non plus, de ma coiffure! Et puis, foin de tout cela, je me suis dit qu'au moins vous auriez une image de moi, à jeter aux orties ou à glisser dans votre portefeuille, au choix !
Mon cher guerrier je rêve tant à ce jour, doublement de paix, qui nous réunira, puisse-t-il venir bientôt et être en tous points conforme à mon souhait secret.
Je vous aime.
(On me dit que le courrier militaire est très en retard en ce moment, mais, écrivez-moi vite, je vous en prie), vous m'apportez la vie.

Votre Marie-Hughette

Edith Florence Carter-Wood



09/01/18

À C. (20)

Addurmentati.
Cusì pagna è la notti,
Quidda chi t'ha cumpagna.
U mè cori à l'abbotu,
Và innambulatu,
Mi scoti e mi riscoti,
Addurmentami.
Chi, lu
Nostr'amori è vintu,
Nostr'amori è ridottu !

Richard E Miller
At the Windows (ditagliu) c.a 1911
Nelson-Atkins Museum of art
Kansas City

08/01/18

8 janvier

Calme. Faible activité de patrouille de part et d'autre, suite au mauvais temps.
Pertes: néant*.

E noi altri ad attizzà i brasgi indi a cennara spinta di i cirtezzi cecchi !
E un frettu chi, basta! Era ssu cotru binidettu. S'era presu omi, animali, mascini, mutori, culatti ecc... tutti oramai vanni.
E Talamasca, partutu, frimavu solu.
E a vita cusigna...




* JMO du 171e Régiment d'infanterie
5 avril 1917 - 31 mars 1918 26 N 708/7 in:
http://www.memoiredeshommes.sga.
defense.gouv.fr

7 janvier

Journée sans changement.
Pertes: néant.*

*JMO, op. cité.

6 janvier

Calme. Artillerie amie et ennemie nulle.
Pertes: néant*.

*JMO, op. cité.

5 janvier 1918

Exercice d'alerte dans les P.A.
Pertes: néant*.

*JMO, op cité.

05/01/18

4 janvier 1918

Une patrouille d'embuscade* reçoit à proximité de la maison Forestière de la Gravelle quelques grenades à ailettes et rafales de mitrailleuse.
En face du P.P. 7 du P.A Réduit, une patrouille ennemie tente de s'approcher de notre chicane. Les guetteurs ouvrent le feu et elle se replie immédiatement. 4 grenades sont trouvées à proximité et une échelle en corde.

N°1214 Ordre de Relève (...)

Pertes: néant**


*(Saria statu a pattruglia cummandata da Uceine)
**JMO, op. cité

01/01/18

1er Janvier 1918

Journée calme.
Perte, néant*.

C'era una massa di canadiani in villa e ci vuliva à senta ssi : "Api in un ghjieru" ch'eddi si lampavani.
Andarè pò tù à sapè l'usi di l'uni e di l'altri, e a cunnoscia i sò lingui?!


*JMO. Op. cité.

À C. (19)

Moi aussi, tu sais, je n'aurai jamais aimé personne d'autre que toi.
Mais, toi, sais-tu seulement jusqu'à quand cette guerre va-t-elle durer encore ?