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Paisani in anda pà a fiera di u Niolu. LC Canniccioni v 1910

12/05/18

Morfina (2)

Je tournais les pages du cahier à Lejean...

Novembre 1913*

"Tu sais, il faut croire à l'histoire, il faut "interroger les temps anciens"(1)...
Ainsi, après la ville de L., ses parcs, les faubourgs (inutilement tristes) de V., les noms de notre histoire allaient se déplacer, plus loin, à l'ouest. Cet ouest aux embruns peu salés mais aux ciels puissants, aux soleils inspirants.
Les noms de ces là-bas, se finissaient souvent en "fleur", en "ville" ou en "bourg". Parfois additionnés de Saintes qui portent ton doux nom clair, quand ce n'était pas le nom, même, d'une fine rivière qui venait se jeter en équerre, là, au bord du port de H.
Pour notre plus grand bonheur les trains y arrivaient déjà. Tu riais, et sous ton linge blanc savait battre ton coeur.
T'en souviens-tu, il y avait de ces plages immenses où nous aimions marcher la nuit ? Donc, il y avait des ports. Des ports sombres, aux bateaux suspendus ! Des ports pathétiques que notre grand amour transfigurait d'un rien. 
Il y avait aussi ces rues âgées aux maisons, levées, serrées les unes contre les autres comme nulle part ailleurs. Ces maisons qui semblaient, pour certaines, tendues vers d'infinies marées où l'on savait déjà que des marins vivaient mais, qu'une fois partis, tous ne reviendraient pas. 
Mers nourricières, meurtrières ou mers douces... toutes à la fois!
Il y avait, sur une butte, un clocher étayé de madriers tordus, et à peine plus loin, cette église de bois, en coque renversée. On dit que cette église fut construite par d'habiles charpentiers plutôt habitués à dessiner les flancs ronds de navires terreneuviers. 
T'en souviens-tu ? Nous y sommes entrés et y avons prié mais sans être entendus: communion inutile. D'autres (et je parle au pluriel), pendant ce temps là, adressaient leurs prières au diable et elles parlaient plus forts et elles couvraient nos voix !
Tous ces noms peuvent, légitimement, te paraître étrangers. Je t'assure pourtant qu'ils ont tous existés et qu'ils furent, chacun, sur la carte de notre histoire ratée.

Et plus ces soirs passaient, et plus je sentais que ma vie allait partir de Toi.
Nous nous aimions si fort.

L'hiver qui arrivait, lui, allait nous vaincre mais ça, nous ne le savions pas, ou du moins, pas encore. Il avançait, patient. Et il allait passer et nous le pressentions, n'est-ce pas ? T'en souviens-tu ? Je t'aime mille ans après."


*Stratu da u libru di u tintu Lejean

Eugène Boudin


(1) Libru di u Deuteronomiu 4:32.

10/05/18

Stella

Ma d'induva mi sarà vinuta st'immaghjina, sta stella, ritagliulata in qualchi libru culuritu, sguiddata da u caiè di u tintu Lejean. "Pulpacciuti, sò curaddi li tò labbri, perli fini li tò denti..."


Giuditta e Oloferni (1598 c.)
Ditagliu
U Caravaggiu
 Roma, Palazzu Barberini.
(Cù l'aiutu di Paulu Filippi, à ringraziaddu)


07/05/18

À C. (25)

30 octobre 1913*,

(Très chère à mon coeur),

"Il ne savait plus rien, sur rien. Juste deux ou trois choses qui lui serviraient de guide.
Il savait seulement, après avoir tout oublié, qu'il n'avait jamais aimé personne d'autre qu'Elle. Il savait encore que cela n'avait désormais plus aucune importance, puisqu'il l'avait perdue depuis si longtemps.
Reconstruisant, alors comme un enfant, le mécanisme du monde à son image, il se dit, que l'on ne pouvait connaître vraiment l'amour qu'une seule fois dans une vie d'homme et qu'il en allait de même pour nous tous et, donc, qu'il en allait de même pour Elle aussi. 
Et, patatras, il ne savait plus s'il se trompait ou pas ? Il vacilla, le goût amer de la douleur de leurs étreintes prit le dessus, jusqu'à ne plus en pouvoir. Il ne domit pas cette nuit là, ni la nuit suivante d'ailleurs. Fatigué, blessé, balafré, il se dit que le désordre des choses allait pouvoir reprendre sa place: il allait oublier.
Cette nuit là, il allait sans doute écouter, égoïstement, sur son gramophone le nocturne n°...** de Chopin, son préféré. Et alors, comme à l'habitude, Elle lui parlerait d'Elle enfin, et il pourrait dormir !"

Stratu da u caiè di u tintu Lejean.
** U numaru, cui, un si pò leghja bè.

Conjugaison du verbe f

17 Octobre 1913*,

J'eff...
Tu t'effaces,
Il efface...
Je réécris, je souligne, je relis et réitère.

*Da u caiè di u tintu Lejean.

05/05/18

Caiè

"Eterni mari muti"* datteci una parodda, cà una, una sola, ma una quantunqua.
U caiè di u tintu Lejean era pienu à voci muti chi m'intratinivani.
M'arristava à leghja lu, e basta. Era u me duveri duvutu à a mimoria di l'amicu sparitu e chi m'aviva laccatu ssi pocchi scritti.

*Da P Croce

03/05/18

Septissemia

(Ci vuliva a didda e à ghjunghja à basgià u pomu ch'andavami da vescu in preti dipoi anni e anni...)
A mani Junot ci aviva mandatu una stafetta speciali. Appena arrivata à u campu, fui chjamatu.
U suldatu, tandu, à mè : "J'arrive d'Amiens. Voulez-vous, adjudant, me conduire auprès du colonel Cremillot, je vous prie? J'ai une terrible nouvelle: le capitaine Lejean est mort d'une septicémie, à l'hôpital, ce matin à 4 heures !"
Lejean, mortu, erani compii le sò peni...
Me ciarbeddu, imbambulitu, subissò in timpesta. Mi pariva d'avè persu e à babbu, e un amicu, e un parenti caru. Pinseti, mi rimittivu à eddu e cà à eddu. Mi vensini tandu sti primi paroddi: "Emi fattu tantu insemi o Lejean ! E quali ci ha da essa, avali, à cuntammi i sò provi amurosi, cù li sò "Ut duo" e li sò "Tête d'Or".
S'era spusatu à a morti, tintacciu, e a morti è cumpagna fideli, mirè.
Parò, dipoi a l'iniziu di sta guerra, a morti l'avivami guasgi dumata, accuncciata, si pò dì, parò u "guasgi" un era cà "guasgi", si capisci...
A sera, à 5 ori fui chjamatu, eiu, da u stessu culuneddu Cremillot. Senta, sintivu u sò discorsu, ma à pizzateddi stracciati : "Lejean... soldat valeureux...adjudant, cette guerre est si dure... nous nous devons... nos compagnons... morts... combat... force, courage, abnegation... dernières volontés... remets... carnet... il a demandé... Vous."

Eru scomossu e mi truvedi, quidda sera, cù lu sò caiè in manu, prontu ad annigammi in stu mari d'inchjostru, di disgrazii disumani, ch'eddu ùn n'avarà mancatu di purtà in scrittura. Puvarettu.


17/04/18

Morfina (1)

Lejean, à se stessu :
"Je ne crois pas que le parc de la Tête d'Or ait jamais existé pour lui. Aussi loin que remontait sa mémoire, il ne trouvait trace de ce nom dans sa vie (ou de ce qu'il lui en restait).
Pourtant, il se souvenait y avoir recueilli les tendres larmes d'une enfant blonde, avant qu'elles n'atteignissent le sol blanc, sablonneux et sec, de ce lieu inondé de soleil. C'était en août, en septembre, en octobre ou plus tard... Peu importe! Il était près de deux heures moins le quart de cet après-midi là.
Le destin lui était là brûlant, à l'affût, au rendez-vous donné, prêt à tendre ses plus sombres tentures, ses pommes et ses pics.
Elle lui avait dit pleurer de se retrouver si seule, isolée, si loin de sa maison. Comment pouvait-il savoir ? Peut-être pleurait-elle, en fait, par pressentiment, du sale tour qu'allaient prendre les choses ? 
Et pourquoi le sérieux devait-il s'imposer à elle, si vite, à elle, si jeune? Et pourquoi Elle justement ? Ne me dites pas qu'elle s'était, ce jour là, abonnée au malheur en franchissant les grilles de ce parc !?... Non, de grâce, et de quel parc me parle-t-on ?  N'avait-elle pas, cette enfant, devant elle des heures immenses d'insouciance écrites par son destin ? Non, "on" l'avait abonnée au tragique et il fallait qu'elle le vive, s'y installe et s'y perde et puis l'épouse.
Le décor était planté avec ses accessoires aussi: il était fait de gares, de trains, de voitures, de trucs et de mille autres choses... Rien ne manquait à l'affaire, et ses acteurs aussi : au teint clair, au teint mat, une vielle sorcière, elle aussi au teint mat, se délectait déjà... et veillait au futur en tendant à l'enfant une main à la fois salvatrice et traîtresse.
Bientôt minuit, une cloche sonne: deux fois deux coups et puis douze, une étoile, pauvre petite...
"Viens, mon enfant, ce n'est rien, ça va bien se passer..."
"Et vous, connaissez-vous seulement les faïences de Moustiers? Non bien sûr !... pfff... "Pffff... le Maroc, pfff... la Corse... pfff..."
Son corps se dodelinait, sec, sa peau noirâtre absorbait la lumière, ses cheveux mal dressés sur sa tête, et ses pffff dédaigneux et sifflants, imprimaient le tempo d'un mas perdu dans la campagne de V. "
Tandu eiu, (eru solu cun eddu) à chjamaddu: "Lieutenant, lieutenant !!!"
Sudava. A rusata di baddioli s'aviva trapanatu a mittà dritta di u ciarbeddu di u tintu Lejean. Frascicatu.
Li vinivani paroddi, una apressu l'altra, quant'eddu ci fussi statu qualchi mascina prugramata automaticata (sic) scundizata, tonta e mata. Era sempri eddu ma un era più eddu !
U colpu, sapeti...
Chjamedi l'infirmiera ch'edda venghi ad aiutami à calmaddu. Cù tinerezza, li deti una sciringa, bedda impiuta, à morfina salvatrici. Povaru tinenti e povari à noi. M'arristava à vultà à lu meiu, u destinu. Sarà ciò chi sarà o Sarrà.



12/04/18

Ô

Erani tempi à disfà mondi. Ed erami povari  in canna, rimandati à un dumani ancu peghju cà oghji ed un doppu dumani peghju cà u ghjornu doppu e tocca e tira à fila di fila...
Puzzavani ssi ribulioni rei, tristi e neri, di morti, puzzavani !

L'Omi di l'Aisne di u 18

Rapport d'opérations du 171e R.I pour la période du 29 mars au 6 avril 1918*

(Un aghju dettu nudda, chi m'impidiscivani, chi era pruibitu, ma oghji poccu m'importa à mè ch'emi persu tantu e u me amicu Lejean ch'aghju purtatu mezu mortu à u spidali... E un vi digu nudda di tutti l'amichi persi. O lu tazzu maiò ch'emi vissutu noi... Da Saint Diè à ghjugna cuì à "aider nos camarades car nos lignes de la Somme et de l'Aisne cèdent..." Cusì aviva dettu à Lejean.)

a) Le 171e R.I était dans les Vosges (...) L'embarquement commença dans la nuit du 26 au 27 mars et le débarquement dans la nuit du 28 au 29 à Breteuil-Embranchement à l'ouest de Montdidier (...) 
Deux compagnies du 2e Btn (Cdt O'Byrne), enfin débarquées à Gannes, arrivaient à Chirmont pour cantonner.
La 2e Cie ( Lieutenant Lejean, a meia diciaraghju)  face au SE en travers de la route Sauvilliers-Aubvillers (...)
Au petit jour, le 30 mars, une ligne presque continue de tranchées encerclait le village depuis la route de Sauvillers-Mailly jusqu'à la route de Sauvillers-Aubvillers.
A 7h15, les Allemands débouchent du Bois situé au N.E de Sauvillers et opèrent une première fois à l'attaque du village, en formation très ouverte : 2 vagues de tirailleurs, à une dizaine de pas d'intervalle, et à une centaine de pas de distance. Nos mitrailleuses et nos F.M fauchent l'attaque, dont les débris refluent dans le bois.
A 9h20, nouvelle attaque sur Sauvilliers, beaucoup plus dense que la première et accompagnée de plus violentes rafales de 105 et 150 (...) l'attaque est fauchée par nos mitrailleuses et une auto-canon (...) 
La 2e Cie est établie en soutien à l'ouest de Sauvillers, à cheval sur la route de Thory (...)
Pertes 3 officiers et 26 hommes tués ou blessés.
13h40, les Allemands continuent de s'infiltrer.
A 16 heures le Lt Maitrot rend compte que les allemands progressent (...) À ce moment, l'attaque d'infanterie ennemie se déclenche, plus dense plus profonde encore (...) C'est bientôt du corps à corps.
Les pertes à Sauvillers se décomposent comme il suit:
1e Btn :
- 7 officiers tués, blessés ou disparus sur 15 présents,
- troupe 333 tués, blessés ou disparus
- 8 mitrailleuses, 1 voit. d'outils et 1 caisson à munitions.
2e Btn  :
- 59 tués, blessés ou disparus, dont 1 aspirant (Lejean) et 5 sous-officiers.
Canon de 37 :
16 tués, blessés ou disparus sur 18 hommes toujours présents et les 3 pièces perdues.

Les observations recueillies (...) sont les suivantes:
Les Allemands portaient une tenue bleu horizon, avec équipement et sac à la française.
A chaque attaque, les premières vagues ont affronté les feux de la défense avec beaucoup de courage (...) Les blessés de la première attaques furent relevés et pansés  séance tenante, malgré nos feux (...) Les bonds successifs des attaques étaient signalés à l'artillerie et aux mitrailleuses ennemies par des fusées blanches tirées de la première vague d'assaut; l'ennemi assurait ses liaisons à l'aide de cavaliers, avec postes de relais.

Vers 21h30 la situation était la suivante:

Au 2e Btn : toutes les unités étaient en ligne sur les positions aux lisières Est des Bois Fermé et de Mongival.
Plus rien en avant, rien à droite et rien à gauche (...)
L'intégrité de la ligne était rétablie sans difficultés, ayant été rompue sans nécessité. La nuit avait été particulièrement calme.

E ch'hani da pò dì tutti i capazzoni, cù li sò pratenziunutu, di ciò che noi avemi presu quiddu ghjornu assignalatu e maladettu di stu 30 di marzu di u 18 ? Un avarani mancu a vargogna ? Mancu à didda, pinseti !
Quiddi chi sò morti à Thory e Sauvillers erani Omi. Eddi, i chjamarani "eroi", e cusì sarà fattu da tutti. Ci farani ancu creda ch'eddi avivani fattu à scelta di murassini on quiddi locchi !
Creda, ùn ci credeti micca, chi sò Omi, omi di carri e di sangui, cù a sò vita, cù li so storii, cù li sò peni di cori e cù li sò gioii di cori, chi si ni sò morti culà. Iè erani Omi, micca eroi. Ed è cusi ch'eddi sò morti, povari à eddi, povari à noi.


IGEOPORTAIL.GOUV

*JMO, op cité.

06/04/18

Unità immaginaria

Studiava a matematica cù Lejean. U trenu, eddu, trinicava.

"Même les chiffres peuvent être complexes, voyez-vous adjudant.
Savez-vous comment le carré d'un chiffre peut donner un résultat négatif ?
Écrivez !
i fois i égale -1
Sachez qu'il n'existe pas de solution réelle à cette équation.
C'est un peu comme si l'on voulait écrire l'équation de l'espoir en amour. 
Pour résoudre cette équation il nous faut définir une valeur appelée "unité imaginaire pure" qui jouit de la propriété suivante: 
(i x i) = -1
Ainsi, adjudant, le chiffre complexe z, pour exister, doit être formé de deux parties: une réelle et une imaginaire,  d'écriture algébrique: a + ib = z a et b  sont la partie réelle de et i sa partie imagiaire.
Ainsi, pour être réel, un nombre complexe doit-il avoir sa partie imaginaire nulle. C'est dommage et logique, n'est-ce pas adjudant?"
Ch'avivu da dì ?


La nascita di Venere
Cabanel (ditagliu)


火垂るの墓*

À Isao Takahata

A tarra era vinuta sipolcru.
L'arburi intrastracciati s'erani mutati, eddi, in croci apprussimativi.
L'omi stanchi ch'arristavani, si faccivani priteddi scunsulati par quiddi ch'erani ghjunti ad essa colti.
A polvara era turrata cenara, a cenara s'era fatta tarra pistata, e arba, micca!
U firmamenti pigniva ed i steddi stracciati erani divintati lacrimi di focu chi strappavani i celi, bavacciuloni, di sta tarra. Falavani ssi steddi spezziati, à riboccu pittinati.
I varmiceddi tecchji à carri s'erani fatti rè di stu mondu. U mondu era oramai un mondu di focu vivu. Erami troscitecchji à sangui.
A vita un valiva più nudda.
E noi altri à mezu.



*U sipolcru di i lacrimi di l'accialeddi di focu.

02/04/18

Muvimenti (5)

Oppressi, a divisioni cumbasgiava guasgi cù a fruntiera di a Germania. Oramai sta guerra detta di i fruntieri era divintata una guerra di muvimenti:
U 15 sbarchedimi (eiu, cù Lejean, Junot, Sulvestru Perronton cù l'anima di Céline de Thyzet in cori... Linard era statu, eddu, mandatu à u spidali, puvarettu) in Corciaux*, i 16 e 17 erami in Maudray. U 24, corci à noi, torra à Corciaux (chi è un beddu paesi). U lindumani ci truvedimi, pò, à l'uvestu di Monidier. Da u 29 ad oghji, erami in cantunnamentu à u Violu.
I bumbardamenti nostri tumbedini 3 ufficiali e 26 omi di truppa, tombi o fritti...
Una guerra di muvimenti... muvimenti da a tarra à u celi, sì :

"O Maria del caro figlio
Chi la morte addomandò?
O Maria Gesù già morto
Chi nel grembo ti posò?

O Maria presso la tomba
Di Gesù chi ti piagò?
O Maria con tante pene
Chi ti oppresse, chi ti oppresse e straziò?"


*da u JMO op. cité.

01/04/18

À C. (23)

L'arcu di li tò occhji s'avvinghji lu me cori
Chjerchju di danzi e cherchju di dulcezza
Curona di u tempu, arca notturna e fida
E s'eiu mi sminticu ciò ch'aghju vissutu innanzu,
È parchi l'occhji toi un m'hani vistu tandu.

Casci di u ghjornu e spuma di u murzu
Canni da u ventu e risi imbalsamati,
Ali che coprani tuttu un mondu di luci
Bateddi carchi à celi, bateddi carchi à mari,
Cacciatori di rumori e fonti di i culori.

Prufumi spannati d'una cova d'albori
Posti nantu a paglia d'i steddi di chjarori,
E postu che dipendi, u lumi, da l'innucenza
Dipendi u mondu interu da li to occhji puri*
E corri lu me sangui in agni di li tò sguardi.

*Le monde entier dépend de tes yeux purs.

Paul Eluard, Capitale de la douleur, 1926

Ch.E Perugiani (ditagliu)

31/03/18

Dispensoriu

"Tristis est anima mea usque ad mortem: sustinete hic, et vigilate mecum: nunc videbitis turbam, quae circumdabit me.
Vos fugam capietis, et ego vadam immolari pro vobis."


Cristo de San Juan de la Cruz 
(Ditagliu)
Santellano Dali, 1951
Museu Kelvingrove, Glasgow


21/03/18

Me maryanshyeuza

A sera che vi digu, l'avivami passata cù Sulvestru Perronton in rimusciu. Puvarettu, diragliava e viniva da luntanu. Eccu ciò ch'aghju marcatu (di ciò ch'eddu sparlacciava in u sò patuà):
"Bin wa, d'yn vrai à la fin du mai à la farma, pè To non, qu'al lecha à bandon. D'mâ, d'mâ, Sarrâtou, d'mâ, t'sè... T'akeurdo Clé, Klyâra* t'akeurdo... t'é été ma maryanshyeuza, me fyancia, me promessa !!! "
Avarà parlatu di a sò prumessa persa ? Puvarettu, e Linard, alancatu accantu...

Da: www.scoop.it
(Linard 1918)

*Un colpu dava di "Clé", un colpu di "Klyâra" ?

18/03/18

À C. (21)

"Et toi, te souviens-tu du tout premier train à la gare de L. ? 
Dis-moi pourquoi mon écriture est-elle là où, précisément, tu n'es pas ?"




17/03/18

Ghjuramentu

(à Mo.P.)


Carrughji di a città: ci stà l'amori meiu.
Poccu importa induva eddu và, in ssu tempu divisu.
Un è più ' me amori, ch'agnunu li pò parlà.
Si ramentarà quali ci fù ad amaddu ?

Ind'u votu di li occhji, cerca a sò sumiglia
U spaziu ch'eddu parcorri è la fideltà meia.
Ci disegna a sperenza e lebiu, lebiu, a rinvia.
È punteddu maiò, ma parti nun ci piglia.

Vivu, eiu, in cori à eddu, o ruvina felici.
E senza ch'edda a sappii, l'esiliu meiu fà u tisoru soiu.
Ind'u grand' merdianoni, si scriva u sò sviluppu, a meia a libartà, l'asulcina e u scava.

Carrughji di a città: ci stà l'amori meiu.
Poccu importa induvà eddu và eddu, in ssu tempu divisu.
Un è più ' me amori, ch'agnunu li pò parlà.
Un si ramenti, mancu, quali ci fù ad amaddu e à fà li lumi da luntanu, ch'Edda ùn caschi micca e ch'Edda si ripiglii ?

Dans les rues de la ville...

René Char
Stratu da
"Eloge d'une soupçonnée"
Poésie/Gallimard, Paris 1988.

12/03/18

12 mars 1918

12 mars

Le Régiment reçoit, de la Division, les instructions complémentaires nécessaires à l'embarquement du Régiment.

A la suite de ces instructions, le Colonel, donne l'ordre suivant:

N°3363  Ordre pour l'embarquement du 171° R.I les 14 et 15 mars 1918

I- Répartition des trains, heures, des embarquements et départs (voir le tableau ci-joint).

II- L'Officier de reconnaissance de chaque train doit se présenter à la gare au moins une heure à l'avance et faire la reconnaissance détaillée du matériel (voitures et trucs*). Il s'entendra avec l'officier du 32° Btn du 171° R.I charger d'assurer la permanence le 14 mars en gare de Genevrouille.

En attendant le moment de l'embarquement, les détachements sont arrêtés à au moins 300m de la localité qu'ils doivent ensuite traverser sans arrêt pour gagner le quai. Il appartient aux Cdts des dits détachements, de mettre leur troupe en route au moment voulu, d'après les renseignements reçus de l'Officier de reconnaissance.

Les heures mentionnées au tableau, dans la colonne "embarquement" sont celles auxquelles les détachements doivent arriver sur le quai.

III- Les voiturettes des C.M doivent être démontées sur le quai, de façon qu'un seul truc suffise pour une C.M.

IV- Aucun matériel appartenant au Corps ne devra être laissé dans la zone actuelle.

V- Avant le départ de la troupe les cantonnements devront être en parfait état, tous les locaux remis en ordre. Les paillasses non vidées de leur paille seront transportées dans les magasins préparés à cet effet. Le matériel de zone sera rassemblé pour être livré aux Majors de groupes de cantonnement ou aux casernes, comme il est prescrit ci-après.

VI- Dans chaque cantonnement, chaque Corps ou Service laissera au départ un petit détachement commandé par un officier. Cet officier assumer la remise du cantonnement et du matériel divers de zone au Service,  des Camps et cantonnements. Un état de remise du matériel, en 2 expéditions, sera établi pour chaque cantonnement. Il sera signé contradictoirement par l'Officier et le représentant du Service des Camps et cantonnements. Une expédition sera emportée par l'Officier. Cet Officier retirera également le certificat de bien vivre. Les détachements ainsi laissés s'embarqueront comme suit, à la gare la plus proche :

Détachements laissés le 13 :

(234° R.A.C et 294° R.I): train 17, le 14.

Détachements laissés le 14:

Trains 29 et 30, le 15.

VII- Au 1er train (16°1S) partiront :

a) un officier, et les campements strictement nécessaires (l'Adjudant de Btn, un comptable et 2 hommes par Cie) pour préparer le cantonnement de leur bataillon.

B) un sous-officier par Btn, chargé d'indiquer, à la gare de débarquement, le lieu où cantonne son unité.

VIII- Ravitaillement

1 jour de vivres de chemin de fer, (à percevoir sur le quai de la gare).

Nota - Pour permettre l'embarquement du T.R, le 1er Btn laissera libre : 1 truc 1/2. Les 2e et 3e Btn 3 trucs chacun.

M. Les Chefs de Btn donneront tous les ordres de détail pour la mise en route de leur unité.


Le 12 mars 1918,

Le Chef d'Et. Blavier, cdt prov. le 171° R.I :


Signé : Blavier**

*Vagoni piattu, senza tettu
**JMO op. cité

11/03/18

11 mars 1918

Préparation à l'embarquement qui doit avoir lieu conformément aux ordres ci-dessous.*

*JMO, op. cité.

Syndrome de Cotard

U tempu, u tempu, digu di u tempu, quiddu chi passa, u tempu, quiddu chi si perdi.
U tempu s'era frimatu. Oramai i me ghjorni erani fatti d'un presenti ad eternam. Mora, ùn pudiva mora ch'eru dannatu (eru mezzu à l'indrentu, cù u cori di petra, e cù lu sgardu persu). Mortu eru ghjà mortu, eru.
"L'omu è ipocondriacu cù una pincundria neurastenica miscata di melinculia prufonda. U sindromi di Cotard !", ha dettu duttamenti u duttori Calan. A sapè quali m’era davanti, di pettu à stu specchju, quand'e mi fighjulava ?
Frascicatu da a guerra intima tra eiu e me stessu... "Una sera di Londra, marchju ind'i fumaci di farraghju, solu cù un amori chi nasci."* U meiu, u meiu l'amori s'era spintu d'un cantu e d'un focu battenti da l'altru. È cusì ch'e fù ritruvatu à Linard, smagritu, persu, ma vivu, in bordu di strada.


*Aragon, Le Roman inachevé, p 99, Gallimard, collection "Poésies/Gallimard", Paris 1956

10/03/18

Treni e treni

Muvivani (e Junot à scriva ghjurnati interi).

10 mars 1918

Le Régiment reçoit l'ordre suivant:
166e D.I           Au Q.G le 10 mars 1918
R° 1865/3

       Ordre d'Opérations Préparatoires N°129

I- La 166° D.I quittera la zone de Noroy-le-Bourg par voie ferrée à partir du 13 mars.
II- Embarquement aux gares de Genevreuille- Vesoul-Villers le Sec. 
III- Les ordres ultérieurs règleront les détails de l'embarquement, les répartitions de l'emploi dans la zone de débarquement.
IV- L'artillerie sera transportée les coffres demi-pleins.
V- Ravitaillement : 1 jours de vivres de chemin de fer, 1 jour de débarquement.

Signé : Babaud* (u chjamava "babò").



(c) Mission du centenaire


*JMO 171eme Régiment d'infanterie 708/7

du 5 avril 1917 au 31 mars 1918, in: http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr

05/03/18

P2

Avivu pinsatu di mandà li (à M-H) sta fotografia e scriva li : "Voici une photographie de votre cher soldat." Un paremi più astuti cusì, nò ?
E pò, aghju presu e stracciatu u tuttu ! Chi tantu malinconia ! Nun aghju fattu votu d'un scriva li più, nò !?


"Sò milli anni ch'e sò natu*."


*Saveriu Valentini

27/02/18

Genesi 3, 19

"Magnarè u pani cù lu sudori di u tò visu, fin tantu che tu sighi vultatu à a tarra, chi da edda fussi estratu; postu chi polvara sei, ed in polvara turnarè".


24/02/18

Milena J

Sintedi una bucciaredda, (focu vivu), chi s'intratiniva cù me stessu, in lingua francesa. Comu sarà statu chi, sta lettara appuntu, diciva di i sentimenti mei ? E, par ciò chi era di fantasmi o finzioni, mi viniva una brama prufonda di nuttriscia li. Quantu ch'Edda, tintaredda, fussi stata di i mei. 
Andeti voi à capiscia...


"Prague, printemps 1922

Voilà si longtemps que je ne ne vous ai pas écrit Madame Milena. Tout le malheur de ma vie (ce qui ne veut pas dire que je me plains, mais que je veux faire une constatation, dans l'intérêt général), tout le malheur de ma vie vient, si l'on veut, des lettres ou de la possibilité d'en écrire. Les êtres humains ne m'ont presque jamais trompé mais les lettres toujours. Mais, en fait, pas celles des autres, les miennes. La facilité de l'écriture des lettres, d'un point de vue simplement théorique, doit avoir causé une effroyable désagrégation des âmes dans le monde. C'est une fréquentation des fantômes et pas seulement du fantôme du destinataire, mais aussi de son propre fantôme qui se développe sous la main, dans la lettre qu'on écrit. Écrire des lettres c'est se dénuder devant des fantômes, ce qu'ils attendent avidement. Les baisers écrits ne parviennent pas jusqu'à destination, mais les fantômes les boivent sur les chemins jusqu'à la dernière goutte. Les fantômes ne mourront pas de faim, mais nous serons anéantis. 
Cette histoire de lettres m'a donné l'occasion d'écrire une lettre et, puisque j'écrivais, comment aurais pu alors ne pas vous écrire Madame Milena ? À vous qui êtes celle à qui j'aime, peut-être, le plus écrire ?"*

Spartedi stu fattu cù Lejean e tandu eddu, mi dissi : 
"Eux aussi, nos fantômes, ont le droit de s'abreuver aux miels et aux sucres doux de nos maux, ne croyez-vous pas adjudant ?" 

"Petit fantôme, pauvre petite fille seule, je t'aime, tu le sais et je t'embrasse. Tu me manques tant."



*F Kafka, Lettres à Milena, Imaginaire Gallimard, 1998.

22/02/18

Ut duo...

Lejean : "Regardez adjudant, jai fait une mixture de mots et de cordes, pour La faire revenir, je lis":

"Ut duo te video non quinque te alligo, cor tibi manduco, sanguinem tibi bibo. Aly aly comttates baptissan et patre et filio Dei non Chjara Gnugnedda tibi impero ut quaedam que voluero et velim adimpleas et facias."

- "Voilà, j'attends, voyez-vous. Parce que je ne peux pas faire d'Elle une fiction. Vous comprenez ?"
- "Pas toujours, mon capitaine, pas toujours..."



18/02/18

Ombra

A little bread
Some spring water,
A tree shadow and your eyes !
No sultan is happier than I,
No beggar is more depressed.

U pizzatteddu di pani,
E un pò d'acqua chjara,
D'un arburu l'ombra e li tò occhji !
Un ci n'è sultanu biatu cum'à mè.
Ne più tristu paciaghju.

Omar Khayyām (1048-1131)

17/02/18

Please be there...

Dogliu.
Fighjulgu à Lejean. Era quantu ch'eddu ci fussi in me dui parsonni. Quidda, francesa (piena à sanguicianghi), e quidd'altra fatta d'oru e di dulcezza (oramai persi). È cusì ch'edda mi viniva.
Un sappivu ciò ch'edda era?
Speziu di mischiumu trà puerizia e maturità ? Trà nucienza e rucitu ? Trà culà ed altrò. Trà soli e sangui.
Trà surisi e sugnozzi ? Dogliu e doglia.

14/02/18

Je te veux

Lejean vicinu à u gramofonu :"Écoutez adjudant, cette diction, ce cerveau musical et... ce coffre ! Si, si, tenez regardez la pochette". (risi)

"Je n'ai pas de regrets,
Et je n'ai qu'une envie,
Près de toi là tout près
Vivre toute ma vie.
Que mon corps soit le tien,
et ta lèvre la mienne,
Que ton coeur soit le mien,
Et que toute ma chair soit tienne."*


Ch'avivu da dì ? Sugnavami di poccu !




*Je te veux, Erik Satie, paroles H. Pacory (1903)

12/02/18

Tempu e patimentu

Accuppiavami a miseria cù a puvertà, tribuli cù suffrimenti, pena cù dogliu e curdogliu.
E cusì, passedimi nuttati, ghjorni, nuttati, settimani e mesi e anni: carchi à dulori, e ch'apparturivani... a morti.

(C) RMN


11/02/18

Muvimenti (4)

L'ottu di farraghju, muvimentu versu à Montbéliard, a sera, u 3u batagioni stazziunnò in Velleminfroy, u primu in La Creuse, e u meiu (u sicondu) in Châtenois.
I 9, 10, 11, aghju ripurtatu nantu à u ghjurnali, (u JMO, che nò dicivani). L'aghju ripurtatu eiu chi Junot dava i sò lezzioni, postu ch'eddu era Major, Aghjutenti-Maiori, diciva à Talamasca:

"Installation, revue des détails, réparation des effets et du matériel, exercices du port du masque, instructions sur les précautions à prendre contre les gaz et contre l'Yperite, passage en chambres à gaz. Reconnaissances et installations des champs de tir et de manoeuvre. Aménagement des terrains pour les exercices de combats pour les petites unités d'infanterie, d'artillerie et de cavalerie. Études des règlements pour les cadres, sous la direction des Chefs de Bataillons et des Adjudants-Majors. Entraînement physique une demie-heure matin et soir.
L'instruction est reprise conformément aux prescriptions de la note du G.G 1749/3 en date du 3 Février 1918."*

*J.M.O op. cité.



05/02/18

Carnettinu (2)

Avivu decisu, parechji settimani fà, di scriva i tuntii amurosi à Lejean.
"Alors, elle me dit: "Nous savons tous les deux que tout cela est déjà mort, mais vivons le quand même, si vous le voulez bien !"
"Si-vous-le-voulez-bien !!!"
"Comment pouvais-je lui résister ?"

04/02/18

Carnettinu (1)

Di ciò ch'e sappivu di francesu, di ciò che ni sappivu, m'eru fattu un carnettinu, cù la sò cupertina russina, dà marcà ciò chi mi passava in capu: di paroddi imparati, pinsamenti, passati e puesie (avariu da dì, megliu, rimi !). Infini chi, scriva, scrivivu e certi volti, ancu, faccivu qualchi disegnu. Ciò ch'e pudiva, oh ! Talentu, poccu e micca, ma ci vuliva à passà u tempu...
E, chi vuleti !?

Una notti, di farraghju, m'eru scrittu:


Éphémère soldat,
De cités étrangères
La boue des tranchées te façonne,
Quand le canon résonne,
Tu te terres, il t'abbat.
Éphémère soldat,
Tu portes bien ton nom,
Tu n'es là pour personne,
Tu rêves, passes et t'en vas !
Tu n'es là pour personne,
Ton temps est suspendu,
Toi, tu es nè trouvé et tu te meurs perdu.
Une vie étrangère,
Voilà ce que tu as vécu.



03/02/18

Muvimenti (3)

Viaghjà? Viaghjavami ! N'emi vistu: fin' di ghjinnaghju : Pouxeux, Eloyes, Saint-Nabor, Remiremont, Plombières e pò in Aillevillers: riposu, dui ghjurnati. Faraghju, u trè: muvimentu (pà u 1mu Btne, u Statu Maiori ed u C.H.R): Francalmont, (u 2du, u meiu e u 3rzu), Saint Loup, Ainvelle, Hautevelle... marchjavami. È cusì.



02/02/18

Perinde ac cadaver

Paris, ce 1er février 1918.

In omnibus, je vous obeirai.
Je vous le promets.
Je vous en supplie.

Marie-Huguette

30/01/18

Sylvestre

"Il y avait avec nous un fier jeune homme, il avait 23 ans. Lui aussi venait de la montagne. Il creuse et sculpte le bois. Regardez capitaine, ma canne, celle qui donne les assauts, vous la connaissez, n'est-ce pas : Sylvestre Perronton !
Il parlait de ces cascades qui, dès novembre, naissent des montagnes, toujours au même endroit et, qui disent, à ceux qui savent, si l'hiver sera rude. Il parlait de ses bêtes rentrées, pour des mois, dans les maisons, en bas. Il parlait des merles philomèles. Il nous parlait aussi du bruissement de la pluie, quand elle mouille la neige, lors des redoux d'hivers.
Mais lui c'était Céline, Céline de Thyzet. Oh, comme ses yeux s'illuminaient quand il nous parlait d'elle.
Il nous parlait aussi de sa vallée de l'Arve. Au début, (lorsque je parlais mal), je croyais qu'il parlait de "la vallée de larmes" (un proverbe de chez nous dit bien : "A vita è un vaddi di lacrimi...").
Ici, l'alboche était  toujours battu par nos conversations de pays et de femmes. Elles avaient toutes, pour chacun, le pouvoir de nous transporter en rêves, loin d'ici.
Heureusement que nous les avions, car nous n'avions que ça !"

28/01/18

Muvimenti (2)

Le C.H.R et le 1e Bataillon font mouvement et gagnent, le 1e Btn, le Fays et Prey où ils stationnent. La C.H.R rejoint le EM (sic) du Régiment et le 3e Bataillon à Lépange.
État Major, 2e Bataillon et 3e Bataillon sans changement.*

*Op. cité

27/01/18

La Samaritaine (2)

Paris, ce 26 janvier 1918

Cher Sarratu,

J'ai tellement de choses à vous dire mais vous devez savoir, avant tout, que, depuis hier, je travaille à la Samaritaine !
J'ai la charge d'une partie d'un rayon qui s'occupe principalement de petites réparations de couture. Nous pouvons aller jusqu'à faire des reprises à un accroc, sur l'instant.  M Brulelliot, notre responsable, est adorable et aidant. Il est ancien combattant de cette sale guerre...
Je suis à moins de dix minutes de marche de la maison. Mais je vous en dirai plus dans quelques jours.
A propos de jours, j'en ai comptés déjà huit, sans aucune nouvelles de vous. Je suis triste,  assaillie de mille questions. Cette année est bizarre. J'incrimine les postes, la météorologie, les trains, les nuages...
Vous devez me répondre.
Dans l'attente, je vous adresse mon expiante pensée.

Votre Marie-Hughette



Muvimenti (1)

Avemi marchjatu a nuttata intera da u fronti à "l'arriera".

La C.H.R* et le 1er Btn quittent Mondrayet se rendent à Yvoux, où ils cantonnent.
Le 2e Btn se rend à Le Roulier où il stationne. L'E.M du Régiment, le 3e Btn se rendent à Lépange et Deycimont où ils stationnent.
       Mouvements effectués sans incident*.

*Compagnie Hors Rang.
** JMO op. cité

24/01/18

Dettu (2)


"Sturzuleghja u lumi di a mimoria di fronti à i piaghi prufondi."*

*Aragon, Le roman inachevé, p 99, Gallimard, 1956.

25 janvier 1918

La relève s'est effectuée sans incident.
Le 2e Bataillon (u meiu) se porte sur Aumontzey et le 3e sur Vienville. Mouvements effectués sans incident.

Pertes néant.*

*JMO op. cité

24 janvier 1918

La relève s'est effectuée sans incident.
Pertes néant*.

*JMO, op. cité.

23 janvier 1918

Sans changement.
Pertes néant*

*JMO op. cité

20/01/18

Tarra ingorda

Sanguinava.
I tanghi pinzuti l'intazzavani i carri, l'intagliavani lu fronti. A minima gucciaredda di lu sò sangui, era una gucciaredda di lu nostru chi si perdiva, in tarra. Agna goccia chi puntava e pò li sgucciulava in fronti, era goccia di lu nostru, u sangui. Agna, agna goccia di li nostri pienti era lacrima di soii, i pienti.
Era Eddu, erami noi, suffarenza. Ma, Eddu, era amori, dinò !

Cristo coronato di spina, (ditagliu)
Beato Angelico
1430-1450
Livorno

Noces de paille

Très chère Marie-Hughette,

Ainsi donc la censure a-t-elle retenu mes mots. Peut-être est-ce mieux ainsi ?
La censure nous lit, nous suit, commente la douleur. La censure nous épie, mais ça, vous le saviez déjà, bref.

Je disais simplement dans ma dernière lettre, combien je tiens encore à vous...  Je vous disais d'autres choses...
Je vous disais, enfin je crois, que nous irons ensemble, un jour, "au Café bleu", tu riras et moi, j'en serai fier..."

Sf

18/01/18

18 janvier 1918

Paris ce 18 janvier 1918,

Mon cher soldat, mon amour immense,

J'ai été confrontée hier a une énigme, après avoir reçu une lettre vide de tout signe et provenant visiblement de vous.
Je me suis dit alors que la censure militaire avait agi et me privait de vos chères paroles.
Sans doute me parliez-vous, en détail, de vos conditions de vie, de vos douleurs, de vos combats ? Comment savoir ? Pouvez-vous me récrire tout cela ? Nous saurons vaincre la censure, n'est-ce pas?
Permettez-moi de vous adresser toute la chaleur de mon amour infini, pour ce que vous êtes, pour ce que vous avez été et pour ce que vous serez. Et tout cela malgré les contraintes qui pèsent tant sur nous.

Ici, la ville a retrouvé son rythme habituel...

17/01/18

Dettu (1)

"Evrything passes" diciva à Zi 'ngannu...

Ban de Laveline (6)

Ban de Laveline, ce 1er janvier 1918

Ma bien chère Marie-Hughette,

Le froid s'est emparé de tout. La glace a même figé l'encre de ma plume. Impossible de former une seule lettre.
Je ne vous écrirai plus.
Je ne dérangerai plus l'ordre que vous vous appliquez à mettre dans votre vie.
Je vous laisse quelque part entre Chatelet, les Gobelins, Port-Royal, les rues de commerces et ailleurs.
Il vous faut avancer et cesser de me lire. Il y a, pour vous, tant de paysages à voir, de vies à inventer, d'univers à explorer, d'eaux chaudes à gouter, de musiques nouvelles à entendre, de réussites à venir...
Je ne suis que désordre, boue et tracas.
Sachons être déloyaux à chacune de nos promesses intimes et si l'un de nous devait leur rester fidèle, alors tant pis pour lui.
Puisse la mort venir et puisse-t-elle avoir votre vrai* prénom.


Je vous aime.

Sf

Lettara muta


*(Le mot est souligné, c'est ici la seule trace vraiment visible de la pointe du stylographe, laissé en creux, sur le papier. Le reste demeure indéchiffrable.)

(NdlA: on dit a Ban de Laveline que la température était descendue à -27°C cette nuit là).

16/01/18

16 janvier 1917

A 3h30 le P.P. 37 (P.A. de 766) 11 Cie est attaqué par une vingtaine d'allemands. Malgré la faible composition du P.P (1 sergent*, 1 caporal et 5 hommes) il résista opiniâtrement.
L'ennemi a procédé par encerclement. Le vent O-E, très violent permit à l'ennemi de s'approcher. Ce ne fut que quand il se trouva à quelques mètres du P.P qu'il fut éventé par les guetteurs.
L'affaire fut menée très violemment et nos renforts n'eurent pas le temps d'arriver. Devant notre résistance, les boches se replièrent en emportant leurs blessés. Le F.M du P.P se mit en batterie et tira dans la direction du repli.
L'ennemi était armé de revolvers et de poignards. Il avait en outre des grenades reliées par trois et faisant par conséquent triple charge. Une mitrailleuse tira sur 766 quelques instants avant et après l'affaire.

                       Tués    Blessés
Pertes          
Officier
Troupe             1            2 (dont le chef de poste*, grièvement)**


*(M'hani dettu cusì: ch'eddu c'era statu stu colpu ch'e vi dicu. Ch'eddi si sò trovi inchjustrati. Hani persu un omu di quiddi di Uceine e cà essa firtu, d'una manera grava, era statu appuntu à Uceine. L'hani purtatu, doppu à l'aritrosa, à u spidali, cù un antru. È ch'eddu era statu brusgiatu à i mani e a faccia da una vampa di focu di fosforu. È cusì chi m'ha dettu à Junot).


** JMO, op cité.