Je me souviens de tout, de chacune de ses lettres, qui commençaient toujours, comme toutes les lettres d'amour, par ces deux mots banals : "Mon amour", et ses lettres pourtant, ne parlaient pas d'amour, justement, mais de où elle était, de ce qu'elle voyait, de ce qu'elle y faisait, jamais de ce qu'elle ressentait, elle était trop pudique, ses lettres, qu'elle savait terminer de mots définitifs, consacraient notre amour, et puis sa signature, et ce C majuscule et les lettres qui suivent, écrits à l'encre bleue, comme typographiés, sont marqués au fer rouge, ici, dans ma mémoire.
La première de ses lettres, en fait, un court billet, je l'ai lu dans un train, train qui depuis ce jour là, n'a cessé de rouler. Je me souviens d'une gare, d'une gare et d'une autre, d'une quatrième encore... une autre, une autre et une autre toujours, et leurs quais accueillant les étreintes enfantines de ceux qui se retrouvent, de ceux qui vont se perdre, je me souviens de tout, d'ici, et d'ici et ainsi, et jusqu'à l'infini.
Je me souviens de tout, de chacune de ses peurs et de tout son courage, des nuits que je lui ai gâchées, notre linge entassé, nos jours éveillés, nos jours de cauchemars et tous nos jours de rêve au troisième, peut-être, du 36 d'un boulevard parisien, je me souviens de tout, de nos journées d'espoir, de toutes nos promesses, des livres qu'elle lisait, de ceux qu'elle allait lire.
Plus tard, je me souviens encore, de nos moments sordides de la rue Cuvelier, où se jouait, l'enjeu impérieux et unique, d'épuiser notre amour. Je me souviens aussi de notre éloignement, de retours improbables, de nos déchirements. Je me souviens encore de tous ses foudroiements, de chacune de nos luttes, de ses mots enfantins, de ses soupirs d'adulte, de ce jour où un jour, je l'ai trouvée errante, et de tant d'autres jours où, je l'ai vue combattante. Je me souviens encore, je me souviens de tout, de nos compromissions, de chaque démission, de mes abdications, de ce que l'on m'a dit d'elle, de ce qu'on disait de moi, de ce qui faisait nous, de ce qu'elle était belle.
Je me souviens de tout, où nous sommes allés, et de chacun des lits où nous avons dormi (ceux que l'on pouvait dire, ceux qu'il fallait cacher), je me souviens toujours, du goût, de l'eau de la fontaine, de celui des rivières, de celui des montagnes, je me souviens encore, la teinte des étoiles et de celle des éclipses qu'elle aime tant regarder de ses yeux en amande, les soirs de nuits noires.
Je me souviens de tout, de nos mains enlacées, du goût de ta salive, je me souviens de tout, tu sais, je t'aime infiniment.
Et toi, t'en souviens-tu ? Et toi, toi qui sais désormais tout de tout ça; toi, dis-moi, à quoi donc servent-ils ces souvenirs vivants, sinon à nous hanter. Il est vrai, tu croyais aux fantômes.
Saurais-tu me le dire ?
Sauras-tu m'expliquer, car tu m'expliqueras.
Pariva imburdatu tintacciu, imburdatu à vani paroddi ("Vinu amaru, ti tengu caru !"). Arimani u foccu l'era passatu, accantu, à un centimu, appena, era bè martiddatu à Linard, l'era motu una pena, com'à quidda d'un colpu di a lancia pigliatu ind'i schena, penitenza murtali d'un omu toccu da un mali fatali, e chi sopravivrà.
"Avec de la quinine, demain, peut-être ira-t-il mieux..." ha dettu u duttori, ma cridutu, eiu, un l'aghju, chi u mali era fondu, fondu. Era u mali, di quiddi celi senza lumi, sapeti.
Sarà quistu u destinu umanu: sintinedda vana di u tempu passatu ?
*Diposizioni di Ghjesù da a croci u venari santu.