"Adjudant, connaissez-vous cette prière ? Elle est dite certaines nuits au tout fond des tranchées noires. J'ai vu encore hier, des hommes, des géants, et des géants sans peur, voyez-vous, dire et prier:
"Le soir tombe, semblable au-dessus des deux lignes
Semblable de tendresse et de rédemption.
Encore un jour passé que nous abandonnons
Pour mieux aimer demain dont l'espoir nous fait signe.
Le soir tombe, Seigneur. Sous sa feinte douceur
Que cache-t-il, tendant la trame de son ombre ?
Quel invisible doigt parmi nos rangs dénombre
Ceux dont le dernier jour sera ce jour qui meurt ?
Quels d'entre nous verront le prochain crépuscule ?
Quels verront la Victoire et l'ultime combat ?
Notre désir grandit, s'exalte, se débat,
Et, douloureux se tend vers le but qui recule.
Sans la flamme, Seigneur, les flambeaux ne sont rien (...)
D'autres heures naîtront, plus belles et meilleures.
La Victoire luira sur le dernier combat.
Seigneur, faites que ceux qui connaîtront ces heures
Se souviennent de ceux qui ne reviendront pas. "
de Sylvain Royé