"Très chère Huguette,
Cette guerre est horrible. Vendredi pour rejoindre mon cantonnement, première étape vers votre gare du Nord, j'ai marché sur des cervelles humaines. J'ai glissė sur des lambeaux, de chairs déchiquetées, parsemés sur ce terrain qui me séparait de vous. J'ai serré dans mes mains une boule de terre contenant des phalanges et au bout d'une phalange, une alliance.
Cette boue infâme collait à mes souliers. Alors au moment du depart, j'ai renoncé. J'avais peur de salir vos tapis. Je craignais également que l'odeur de la mort, que portent mes habits, que je porte sur moi, ne dérange votre logeuse.
L'ivresse des alcools forts dont je me suis abreuvé largement lors de ma permission passée, masque à peine celle de la putrefaction des corps versés sur les pentes boueuses des trous d'obus, à la tête parfois noyée dans l'eau saumâtre.
Alors, pour 12 francs, les bras usés d'Aleth ont essuyé ma sueur. Les loupiotes rosées de l'alcôve ont apaisé mes tourments, un temps. L'haleine chaude du corps de cette pauvre femme a réchauffé, pour un temps, ma pauvre détresse.
Comme s'il y avait peut-être des femmes saintes faites pour ça et d'autres pour donner la vie ???
Vous, vous êtes trop pure, pardon.
Je reviendrais plus tard, peut-être...
Sf
L'avivu da mandà una lettara cù sti scritti cuì ? Aiò, aio !!! Un ci la facci. Tandu aghju mandatu ssi dui ligni:
"Chère Huguette, départ différé, sommes consignés avec le régiment. Suis en bonne santé. Mes hommages à Madame votre tante".
Megliu cusì, nò ?!
Sta volta u picchju era russinu, chi vuleti...