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Paisani in anda pà a fiera di u Niolu. LC Canniccioni v 1910

30/06/17

Saturneanu

Lejean :" Voyez-vous sergent si j'étais au Ministère en charge du ravitaillement, plutôt que d'envoyer du vin en masse, aux hommes, j'imprimerais en millions d'exemplaires ce poème de Verlaine. Il ferait, j'en suis sûr, le plus grand bien aux troupes.
Oh, il n'est pas très vieux, il doit avoir trente ou quarante ans. Il a cela de particulier qu'il convient à chacun des rêves de chacun de nos hommes. Je vous le livre tel que.
Je me demande si nous ne sommes pas tous, ici, "des aimés que la Vie exila" ?

Il commence ainsi :

"Mon rêve familier,

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon cœur transparent
Pour elle seule, hélas ! Cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore,
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues."

Mon front blême est brulant. Et, de là où elle est exilée, voyez-vous, ses larmes me parviennent, rares mais riches, elles savent me parler, plus sans doute que l'éclat de sa voix. Et son nom il est blond, il est doux et sonore, légèrement claquant.
Je l'aime depuis toujours, voyez-vous !
Et vous sergent aimez-vous une femme ?
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