Paris, mardi 19 septembre 1916
Cher Sarratu,
Votre carte d'hier m'a fait un grand plaisir. Petit à petit tante et moi apprivoisons Paris, sa nervosité, son train passionné.
Je veux que vous sachiez que chaque instant est fait de vous, de votre absence. J'imagine vos jours, j'imagine vos nuits, j'imagine vos peurs, j'imagine vos courages. Il me semble rétrospectivement que mon insouciance enfantine s'est évaporée au moment précis de notre rencontre.
C'est un destin que j'accepte.
J'ai lu hier dans le Flambeau que nos troupes gagnaient du terrain. Je me demande quand gagnerons nous la paix ?
Les parisiens m'apparraissent futiles et quand ils sont sérieux c'est alors qu'ils portent leurs blessures reçues dans cet autre monde, celui où vous êtes, pourtant si loin d'ici. Pauvres jeunes gens. N'y il y a-t-il donc le choix qu'entre le malheur ou l'absence et l'impertinence des embusqués?
Sarratu, si seulement je pouvais vous manquer. Si seulement j'étais là pour vous bercer. Inlassablement coule la Seine et c'est ainsi que je vous aime.
Écrivez-moi vite, très vite.
Votre Huguette